Pour écrire, il faut lire
Quand le confinement nous oblige à restreindre nos sorties, lire ou relire est devenu un acte de gratitude.
Chaque livre apporte non seulement une dose d’évasion, mais me fait grimper sur une des milliers de branches dans l’art de raconter une histoire. Le ton, le temps, les personnages, l’intrigue, la voix narrative, l’émotion,… tout me parle. Les très bonnes histoires, qu’elles finissent bien ou mal pour les personnages, ont fait de moi un meilleure personne. J’aimerais remercier tous ces amis et amies qui m’apportent ces belles histoires, et dont plusieurs ne sont hélas plus capables de recevoir nos mercis.
Je relis en ce moment la première série d’une auteure qui depuis en a écrit bien d’autres! Elizabeth Bear, que j’ai rencontrée voici 15 ans à un festival de SF. Ses romans Hammered et Scardown, en plus de se dérouler à Hartford, CT et Toronto, ON (et dans le système solaire, notre beau grand Canada rules!) avec une héroïne dans ma tranche d’âge de l’époque (Jenny is a month shy of fifty, and her artificially reconstructed body has started to unravel) qui parle francais de temps en temps. Les livres présentent une finesse d’écriture et de description à couper le souffle.
C’est une histoire qui m’avait beucoup accrochée dans le temps, et que je relis plus lentement. Je prends le temps de savourer la progression de l’intrigue, alors que la première fois, j’avais galopé pour arriver à la fin. Si vous êtes en contact avec cette auteure, transmettez lui mes félicitations renouvelées!
(UPDATE: j’ai établi le contact, en découvrant une Elizabeth Bear qui demeurait à Hartford, CT, dans le temps! « Write about what you know » qu’elle a écrit. Et il y a un troisième livre dans la série, miam!)
Et cueillir des fleurs
Parlant de fleurs, j’ai lu Les fleurs du Nord de Valérie Harvey, de la fantasy historique dans un Japon médiéval imaginaire. On y suit trois époques différentes, Tatsuké, leader et guerrier du feu qui défend une passe montagneuse, Midori, guérisseuse et dégourdie, et sa fille Aki, héritière du feu; puis les guerriers Koji,et Jiro à travers les sentiers de l’amour et de la guerre. C’est intéressant pour les coutumes japonaises et il y a beaucoup de magie, ce qui est moins ma tasse de saké. Je recommande chaudement pour la description « des femmes qui osent secouer les normes (de cette société) et les grands hommes qui les épaulent. » J’ai acheté la suite, L’ombre du Shinobi, que je lirai plus tard. Et le troisième de la trilogie est dorti récemment.
Et lever les yeux vers les étoiles
Je suis encore en train de lire Broken Stars, un recueil de SF chinoise réunies et traduites par Ken Liu, que je remercie pour ce travail de traduction et d’adaptation!
Une nouvelle particulièrement frappante, c’est What has passed shall in kinder light appear par Baoshu (un pseudonyme). Époustouflant pour qui connaît l’hisoire de la Chine. On suit toute une vie, et une histoire d’amour entre deux enfants depuis les JO de 2012, puis, vers 2008, et la technologie dévolue, même si les protagonistes deviennent adolescents, jeunes adultes (place Tien-an Men) puis jeunes gens, ils vivent une révolution culturelle à l’envers… Même si on ne donne pas d’année précise, on sent que la technologie et la société dé-évolue (tout le monde a Internet et des cellulaires, puis, les ordinateurs deviennent plus lents, plus encombrants, internet disparait, etc…) et la politique, rythmée par des noms connus (Mao, la révolution culturelle) passent assez naturellement.
Il faut le lire pour le croire, c’est un tour de force, et pourtant empreint d’une grande compassion. À la fin, quand il n’y a même plus de TV, le protagoniste très âgé découvre une belle photo couleur de deux enfants, prises devant le « Bird Nest » des JO. Ça me rappelle the Three-Body Problem, de Cixin Liu, pour le détour historique.
Il y a des perles dans Broken Stars, quelques textes plus laborieux ou expérimentaux difficile d’accès. Mais c’est incroyable de voir que même sous un régime autoritaire, on trouve des textes audacieux comme ceux-là.
Et les planètes!
La revue Asimov’s Science Fiction (Mars-avril 2021) éditée par Sheila Williams, qui va me publier bientôt, vaut le détour. Je viens de lire 6 nouvelles du nu méro de mars-avril 2021, toutes dignes d’intérêt, qui abordent des questions cruciales sur la condition humaine et la technologie.
Somebody’s Child, par Felicity Shoulders aborde la question des mère porteuses… d’embryons délaissés ou « mis en attente » par la mère originale. Le calvaire d’une maman -kangourou, le surnom venant des gens qui méprisent cette classe de femmes payées pour mener des grossesses à bien quand la mère décède ou disparaît. L’atmosphère sociale est fortement pro-vertu (je ne dis pas pro-vie) et la « maman-kangourou », cible du mépris des autres, s’est attachée à son « bébé kangourou ». Or, la politique menace de les séparer… C’est très émouvant.
Glitch, que je viens de finir, est un terrible cauchemar d’un jeune homme « restarté » dans son corps après un attentat, qui s’aperçoit qu’il partage les souvenirs du poseur de bombe. Le tout s’explique par un hacking, les complices ont saboté les téléchargements de conscience pour éliminer pour de bon les victimes. Évidemment, il y a des hackers du bon côté aussi. Très bien décrit quand les émotions haineuses du poseur de bombe se mêlent à celle de notre sympathique héros. Ça repose sur la possibilité de télécharger/téléverser la conscience par internet (suuuper-réseau!!!) ce qui permet des body-swap, une activité populaire dans un ville rongée par la montée des mers.
Grandma +5 de Patrick Nielsen est très cynique, encore là, on a un dystopie où la génération paie pour les excès des babyboomers, les +5 degrés, qui ont détruit la planète et jettent tout, s’occupent de leur survie sans se soucier des autres. À ne pas lire si vous êtes de ma génération!
Mary Mary, est une longue et sympathique novella sur le passage de Mary à une après-vie. Encore là , on a du téléchargement de conscience avant la mort pour vivre dans une sorte de monde 2.0, évidemment ça coûte des sous. Pour payer leur « loyer », ben… les morts travaillent dans des corps clonés! À lire pour la description des « ball-walkers », des bestioles charmantes qui font les petites tâches à l’épicerie, et toute la technologie qui repose sur le vivant (des autobus à pattes, ca vous dit? Que ceux qui ont vu My Neighbor Totoro se lèvent!)
Et notre compatriote de Gatineau (QC) Derek Kunsken nous présente Flowers like needles, un séjour dans l’esprit hiératique d’un chevalier de cristal pas du tout humanoide, vivant dans un monde où tombe la pluie de flocons de de carbonyl de fer (falling iron carbonyl snow, mioume!), où leur énergie est tirés du magnétisme, et où un océan de carbonyl peut vous désagréger en un tour d’orbite, où la gravité a des hoquets amusants dès que leur monde s’approche du pulsar une fois l’an. Les distinctions et l’honneur sont des aiguilles, mais notre protagoniste gfuerrier se demande , en rencontrant d’autres cultures, si s,affronter continuellement vaut la peine, juste pour faire des poèmes. Ille cherche son maître retiré au fond d’une caverne pour obtenir une réponse. Derek niaise pas avec la puck pour l’altérité, on e a plein les tentacules oculaires, et la fin de cette très bonne histoire est satisfaisante.
Light up the Clouds, de Greg Egan (duquel j’avais dans le temps téléchargé un cours de physique avancée) présente un systême planétaire bizarre, dont il faut mentalement recoller les morceaux pour comprendre ce qui se passe. Du bonbon, le genre d’histoire qui nous plonge dans un univers et une culture, de gens qui vivent dans des arbres flottants. Hallucinant. Aucune desceription physique des persos, cependant on suit une jeune apprenti.
Puis revenir à la maison…
Le magazine canadien OnSpec édité par Diane Walton rassemble une dizaine d’auteurs. La couverture du 114, (vol 30 no 4) a été concue par Nikolina Petulas, qui donne une interview au mileu du numéro.
Falling, par Luke Murphy, est une histoire fantastique racontée par l’épouse décédée qui a chuté, victime d’un assassinat. Son fantôme erre aurtour de la propriété, car l’assassin magicien a instauré une barrière mystique! Or, une nouvelle épouse entre bientôt, qui ne se doute de rien… que peut-faire notre imatérielle fantômesse? À lire pour la chute satisfaisante.
Treasure Hunting a husband, par Erik Bundy, raconte une bizarre histoire d’une femme qui ramasse des morceaux de son mari, lequel ne s’est jamais remis de son tour du moyen oreient, et refuse d’en parler. Il a disparu, mais on en retrouve des morceaux… qu’elle cherche, comme une chasse au trésor, pour le reconstituer en entier. L’aide d’une sorcière viendra à point pour ce récit symbolique qui brode autour du syndrome post-traumatique.
After the war, par James van Pelt, décrit la déchéance des envahisseurs vaincus et laissés sur la Terre. Ils sont humanoides et font bien pitié, vivent en dessous des ponts, comme des sans-abris, surveillés par des agents pour qu’il-elles ne fasse pas de trouble. Mais un jour… chut! Vous lirez bien par vous-mêmes.
The Melting Man, par Gordon Lizner fait chaud au coeur d’un cirque. Et the Limbic Initiative raconte la fuite d’une robot pourchassé par son créateur, qui veut avoir la paix, dans un monde où on se méfie des non-humains.
The Cold Time par Marcelle Dubé nous arrive avec une narration par un membre d’une espèce animale vivant sous les glaces arctiques, dont la nature se révèle peu à peu. oolajiliat est le-la gardienne de son groupe, dont le nombre diminue à cause du réchauffement de la mer, qui attire de nouvelles espèces prédatrices. Or, une jeune mère qui a perdu son petit a disparu… vers la surface, dangereuse. Oola devrait-elle la chercher, au risque de laisser le groupe? Beaucoup de descriptions du milieu froid, et il faut deviner les prédateurs qui ne sont pas nommés de la même façon, par exemple les « White ghosts » (ça m’a pris plusieurs mentions pour trouver). C’est donc un travail de détective pour la lectrice, pour comprendre qu’on a affaire à une espèce cryptoide qui vit dans les profondeux, à haute pression. à la poursute de la fugitive, Oola va à ses risques aller sur la glace, en basse pression, découvrir des animaux à deux pattes en surface, un parent un petit, eux aussi menacés par un « white ghost ».
Et regarder les oiseaux!
Chicks and Chickadees, le deuxième livre de Lady Byrd. Un gros 9000 mots, où cette fois la gente dame ornithologue doit aider une jeune femme placée devant un choix odieux dont seules les femmes subissent l’opprobe.
La vertu est une robe blanche très salissante… que seules les femmes portent.
Tout dans cette excursion a mal tourné: Lady Byrd se réveille trop tard, car le guide a oublié d’organiser les appels du matin. De mauvaise humeur, elle doit se rendre sur le site elle-même. Trop tard pour les oiseaux de l’aube. Ensuite, son chemin croise celui d’une jeune néophyte coincée dans une relation abusive, acculée à un choix odieux auquel seules les femmes sont confrontées.
Que peut faire notre ornithologue experte pour dissiper ce brouillard de tristesse? Lady Byrd ne joue pas des poings pour résoudre les conflits mais, par sa présence et son écoute, elle aide à démèler les noeuds qui empoisonnent la vie des gens autour d’elle.
Une histoire pleine d’espoir avec l’énergique Lady Byrd, chez Echofictions!
La version française est en préparation, le titre de travail est « Anges et mésanges« .
TL;DR Les très bonnes histoires ont fait de moi une meilleure personne. Les relire est un acte de gratitude envers leurs auteur-e-s.